Dans ce billet, je décrypte les événements qui ont impactés vos conditions de transport pendant la journée du 24 janvier.
Le jeudi 24 janvier dernier, un incident s’est produit à Paris Saint-Lazare aux environs de 7h10.
Cet incident a impacté un grand nombre de trains sur toutes les lignes, L A et J, du réseau de Paris Saint-Lazare. Cela s’est traduit par la suppression ou le retard de plus de 250 trains et par des conditions de transports dégradées pour plus d’une centaine de milliers d’entre vous. La ligne J est, par ailleurs, la ligne qui a été le plus impactée.
Si cet incident a pris rapidement de l’ampleur, c’est parce que plusieurs facteurs aggravants se sont cumulés :
- Il s’est déroulé en pleine heure de pointe de matinée, c’est-à-dire au moment de la journée où les arrivées en gare sont les plus nombreuses.
- Il a eu lieu à Saint-Lazare, soit la plus grande gare origine/terminus du réseau des lignes L et J (qui compte un départ ou une arrivée toutes les 28 secondes en période de pointe). Son emplacement a entraîné l’interruption des circulations pendant plus d’une heure sur l’ensemble des lignes (vous pouvez relire le flyer distribué en gare).
Je reviens donc, dans ce billet, sur les faits connus de l’incident : leur chronologie et l’explication de leurs conséquences sur la circulation de vos trains.
Les faits :
Le train Intercités n°3301 est au départ de Paris Saint-Lazare à 7h06 et à destination de Cherbourg. Il reste fréquemment stationné en gare pendant la nuit, il arrive parfois à cette occasion que des personnes y rentrent et s’y installent dès l’ouverture de la gare. C’est ce qu’il s’est passé le 24 janvier dernier.
Le train est stationné à la voie 19. Lors de la ronde de vérification qu’il effectue à son arrivée dans le train, plusieurs minutes avant le départ, le contrôleur constate la présence d’une personne à bord. Il lui demande alors de sortir ce que la personne fait. Il semble néanmoins qu’elle soit revenue plus tard. Pendant le départ du train, et alors que celui-ci est en mouvement, la personne ouvre la porte et cherche à descendre. Elle trébuche alors sur le quai et tombe entre celui-ci et le train.
Le conducteur demande alors l’arrêt d’urgence du train et actionne le signal d’alarme. C’est ce qu’on appelle le SAR pour Signal d’Alerte Radio : la procédure prévue dans ce genre d’accident de personne extrêmement grave. Le train s’arrête à 30 mètres de sa voie de départ ce qui place sa partie avant en dehors du quai.
Le SAR étant prévu pour arrêter en urgence les trains en cas de danger important et immédiat, il est perceptible sur l’ensemble des voies de la gare de Paris Saint-Lazare et entraîne, de ce fait, l’interruption de l’ensemble des circulations. Dans ce cas précis, le train s’étant immobilisé non loin de la gare origine, le dit périmètre comprend l’ensemble des voies des lignes L et J, d’où l’arrêt de toutes les circulations au départ et à destination de Paris Saint-Lazare. De plus, un train Transilien, arrêté en entrée de gare au niveau de la voie 21, rend définitivement impossible l’accès à ce groupe de voies.
Un enchaînement d’événements se produit dès lors à l’intérieur du train et entraîne une grande confusion. Une seconde personne, à bord, tente de voler un vélo situé dans la rame pour, semble-t-il, remonter le quai et rejoindre la personne accidentée. Une rixe éclate alors dans le train entre cette personne, menaçante, et certains voyageurs.
Plusieurs services sont alors appelés sur les lieux pour gérer la situation :
- Un dirigeant opérationnel SNCF pour superviser le déroulement de la situation sur place et faire le lien avec le centre opérationnel.
- La SUGE (police ferroviaire) pour neutraliser l’agresseur à l’intérieur du train.
- La police pour enquêter sur le déroulement des faits auprès des voyageurs
- Les pompiers pour porter assistance et évacuer la personne accidentée.
Une fois la situation gérée sur le quai et dans le train, les circulations sont progressivement autorisées à reprendre, groupe par groupe (n’hésitez pas à consulter ce billet pour comprendre plus clairement la notion de « groupe de voies »). Les groupes 5 et 6, qui comprennent les voies 13 à 27, sont libérés en dernier pour 2 raisons : permettre aux services de police et aux pompiers de terminer leurs actions et permettre l’évacuation du train Transilien arrêté en entrée de gare. Pour cela, un dirigeant opérationnel SNCF est désigné CIL (Chef Incident Local). Avec l’aide de plusieurs agents SNCF, dont des agents SUGE et des agents de maintenance des voies, il veille à escorter tous les voyageurs hors du train, jusqu’aux quais de la gare, en passant par les voies.
La reprise de toutes les circulations est effective aux environs de 9h. Cependant, les circulations restent très perturbées pendant une grande partie de la journée pour plusieurs raisons.
La première est la difficulté de revenir à un plan de transport normal après un incident de cette ampleur. Cette interruption entraîne une modification lourde du plan de transport normal. Plusieurs trains sont ainsi supprimés ou leurs missions sont modifiées. Ainsi, ces trains sont limités à certaines gares où leur retournement est possible comme à Argenteuil, Conflans Sainte-Honorine ou Poissy. Comme cela a déjà été expliqué sur le blog, le plan de transport normal prévoit tous les trains qui circulent sur une journée de service. Pour que les trains puissent circuler, cela nécessite la disponibilité du matériel roulant, c’est à dire les rames, et la disponibilité du personnel adéquat c’est à dire les agents SNCF qui permettent aux trains de circuler : les conducteurs en premier lieu. Or, le matériel comme les agents, ont des roulements : pendant leur journée de service, ils sont censés faire un certain nombre d’aller et retour sur un trajet prévu. Lorsque des incidents surviennent, le matériel tout comme le personnel roulant ne peuvent plus suivre leur roulement : ils ne sont plus disponibles aux lieux et aux heures de départ prévus dans leur programme de circulation.
La seconde raison qui a repoussé la reprise normale des circulations est la survenue d’autres incidents sur la journée. Parmi ces incidents, un malaise voyageur est survenu dans un train immobilisé au Val d’Argenteuil pendant les événements de Paris Saint-Lazare. Cet autre incident a nécessité l’intervention des pompiers.
Chronologie des faits
7h11 : Signal d’Alerte Radio émis par le contrôleur de l’Intercités 3301 au départ sur la voie 19 après la chute d’un individu dans les voies. Le conducteur demande la protection de l’ensemble des voies.
L’Intercités 3301 est arrêté hors quai. Le Transilien 136812 est arrêté en entrée de gare en direction de la voie 21. Ces 2 trains bloquent l’accès des voies 13 à 27 qui forment les groupes 5 et 6.
7h15 : Appel à la SUGE : une seconde personne agresse les clients à l’intérieur du train.
7h29 : L’agresseur est pris en charge par la SUGE.
7h31 : Enquête de police à bord et autour du 3301.
7h32 : Autorisation de reprise sur les voies 1 à 12, la circulation reste néanmoins interrompue sur les voies 13 à 27.
7h38 : Le CIL autorise l’évacuation du Transilien 136812 avec l’aide d’agents des voie, de l’équipe SUGE et d’agent de signalisation.
7h45 : L’évacuation est terminée.
8h00 : L’enquête de police est terminée.
8h15 : La personne qui a fait la chute est évacuée par les secours.
8h27 : L’Intercités 3301 est autorisé à se remettre en marche.
8h31 : L’interruption de circulation est levée sur l’ensemble des voies.
D’autres informations en suivant ces liens
Comme c’est souvent le cas en pareille situation, ces événements ont donné lieu à plusieurs échanges sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter où plusieurs agents ont cherché à expliquer leurs connaissances à des clients en demande d’informations sur la gestion des événements. Je vous transmets, à travers ce lien, l’un de ces échanges intéressants !
Vous pouvez également consulter cette page qui explique, de manière synthétique, la gestion d’un cas d’accident de personne.
A vos commentaires
J’espère que ce billet vous aura éclairé sur le déroulement des événements.
On poursuit les échanges dans les commentaires pour d’éventuelles précisions.
Cédric vous allez dire que je chipote, et vous avez raison. Mais c’est plus fort que moi, j’aime bien les détails précis. Aussi, je me permets de corriger 2 détails sur votre article.
1. Le train 3301 n’est pas le premier Intercité du jour à quitter Paris Saint Lazare. En effet, il est précédé de l’Intercité 3331 partant de Paris à 6H44 à destination de Caen.
2. Un contrôleur ne peut pas émettre de Signal d’Alerte Radio, car il lui faut une radio, et le contrôleur n’en est pas équipé. Je pense que c’est plutôt l’agent de départ qui a sûrement vu l’individu tomber sous le train qui à déclenché l’alerte, car lui est équipé d’une radio.
Je me permets de préciser aussi que si des trains terminus Houilles sont ensuite parti en direction de Paris Saint Lazare, malgré l’inaccessibilité de la gare Saint Lazare, c’est parce qu’il se garaient au dépôt des Batignolles, accessible, mais dépourvu de quai.
Certains ont demandé pourquoi limiter les trains à Houilles et pas La Garennes-Colombes ? La gare de Houilles offre une correspondance avec le RER A, et elle est équipée d’installations permettant aux trains de repartir vers Mantes. La Garennes-Colombes n’est pas équipée de ces installations.
Franck – Comité d’usagers de l’ouest francilien
Bonjour Franck
Remarque interessante en ce qui concerne la radio sol-trains, car avec la GSM-R tous les postes équipés peuvent appeler en théorie n’importe quel train circulant en France et ont le choix entre un appel conducteur (MEC) et un appel « contrôleur » (ASCT).
Bien sur cela suppose que les ASCT soient équipés, ou qu’ils soit prévu de les équiper.
L’intérêt est loin d’être anecdotique, car il existe un certain nombre de cas (vite fait, j’en vois déjà 9, il y en a peut-être d’autres) où le conducteur peut etre sollicité pour effectuer une action et/ou une verification et/ou une reconnaissance soit sur une installation, soit sur son train.
Merci encore pour votre pointillisme Franck, les détails sont importants !
Pour ce qui est du SAR : il est en réalité déclenché par le conducteur (merci Paulo Aquino pour toute la documentation à ce sujet :)).
Les agents départs dont vous parlez peuvent également effectuer un arrêt d’urgence par radio mais ce n’est pas, à proprement parler, un SAR.
J’ai manqué l’information concernant le train Intercités qui n’est effectivement pas le 1er : merci !
Bonne journée.
Cédric
Merci pour les explications. Question naïve : pourquoi un train à 30 mètres du quai bloque-t-il toutes la gare ? L’aiguillage de dispatching vers tous les quais est-il à ce niveau ?
Bonjour a tous, bonjour Shywere
Pas si naïve que ca comme question car elle permet de mieux comprendre le pourquoi du comment.
Un train incidenté a 30m d’une gare s’oppose de par sa position (et certaines consequences techniques, passons les détails) au passage d’autres trains sur d’autres itineraires.
Maintenant, s’il ne s’agit que d’un incident matériel concernant ce train et lui seul, les aiguilleurs pourront utiliser les itineraires restant utilisables permettant de recevoir et d’expedier des trains sur d’autres voies, avec une procedure plus ou moins compliquée en fonction des circonstances.
Mais dans le cas présent, il s’agit d’un accident de personne dont la localisation oblige a des mesures de protection sur toutes les voies utiles (auparavant, sur toutes les voies de la plateforme) afin de permettre aux services de secours d’intervenir et aussi de procéder a l’evacuation du train, comme il est précisé dans l’article.
Combiné a une évolution technique importante (radio sol-trains GSM-R en lieu et place de l’analogique), les conséquences au moment de l’émission de l’alerte radio sont bien moindres et la reprise des circulations plus rapide.
Merci Paulo Aquino pour ces explications.
Cependant, il arrive que la zone ou les secours évoluent en cas d’accident de personne soit très restreinte. Je me souviens un jour ou j’étais bloqué en gare de Paris Nord. On nous annonce une reprise très progressive de la ligne H. Je saute dans le 1er train pour Enghien les bains. Nous filons à l’allure d’un escargot vers Saint Denis. Nous marquons de multiple arrêt en plein voie. Lors d’un arrêt peut avant la gare de Stade de France – Saint Denis, le conducteur prend la parole pour nous dire de ne surtout pas regarder à droite, car « ce n’est pas beau à voir » (sic). Nous repartons après un concert de coups de klaxon à la vitesse d’un homme au pas. J’ai aperçu un pompier juste sur la voie contiguë, et nous l’avons probablement frôlé, d’ou la vitesse très lente.
J’ai été écœuré de constater que malgré l’annonce du conducteur, certains usagers ont fait l’inverse et se sont déplacés à droite pour mieux voir. J’entendais leurs exclamations : « Ooooh ! Aaaah ! Beurk ! » Je me suis retenu difficilement, mais j’ai eu envie de leur crier que ce n’était pas un spectacle et qu’il fallait avoir un peu de respect pour cette personne.
Franck – Comité d’usagers de l’ouest francilien
Merci pour ses explications Paulo Aquino !
C’est juste Franck, mais cela concerne la suite de la procédure.
la question de Shywhere (cette fois-ci, je n’ai pas fait de faute…) était de savoir pourquoi un train peut tout bloquer; au début, ça peut être le cas, certains voyageurs peuvent penser qu’on peut passer « à côté » quasiment tout de suite, ce qui est inexact bien sur.
Mais comme vous le faites remarquer, la situation peut évoluer (dans les deux sens, d’ailleurs…)
lorsque vous avez circulé sur la H (n’entrons pas dans les détails macabres), le responsable circulation sur site, qui est l’interlocuteur du ou des agents-circulation(s) concerné(s) (CIL – Chef Incident Local, lorsque c’est en ligne), aura autorisé la reprise des circulations sur telle ou telle voie, tel ou tel secteur, en fonction des constatations faites par les services de secours et aussi des itinéraires envisageables.
la circulation peut alors reprendre sur certaines voies, avec restrictions.
quant aux commentaires qu’on peut entendre en de telles circonstances… (joker)
Bonjour,
Encore une fois si la communication avait été précise les gens ne se seraient pas agacé autant.
^Hier soir j’étais dans le train de 17h26 vers Conflans, le conducteur est obligé d’arrêter son train en gare du val et nous dit que l’intervention sur le train en panne de devant va être longue, il est 17:45, reprise estimée a 19:00 ! Du coup tout le monde est parti attendre le bus. Et en fait sans faire d’annonce en gare, le train et reparti à 18:04 donc avec un peu de retard mais pas tant que ça, en laissant les gens qui attendaient leur bus, en plan. Comme ne je fais pas confiance aux délais estimés j’étais resté dans le train. Les gens qui ont été laissé là comme ça au Val avaient de quoi être furieux. C’est une honte pour eux, déjà qu’on est en retard plus d’un jour sur deux…
Bonjour j’ai était impacté par cet incident.
Je suis partie de sannois dans le train de 7h18 qui allait jusqu’a Saint lazare et nous sommes restés coincé en gare d’Argenteuil pendant 30 min sans que le train ne puisse repartir (on nous a demandé de descendre).
J’ai donc raté plusieurs heures de cours, quand j’ai voulu demandé un billet pour justifier mon absence sur votre site, il était écrit qu’il n’y avait aucun incident à cette heure ci. Tant que je n’aurais pas de justificatif mon absence sera injustifiée et notée dans mon bulletin ce qui est préjudiciable pour mon avenir professionnel.
Si vous pouviez m’aider ça m’arrangerai
Merci et bon courage
Bonjour AstridDlp,
j’ai transmis votre demande et j’espère pouvoir vous aider.
Malheureusement, vous le savez peut-être, le site ne permet l’édition des bulletins de retard que jusqu’à 48h.
Avez vous tenté d’en demander un directement au guichet dans une des gares de votre ligne ? Je pense que c’est la solution la plus adéquate.
Bonne journée.
Cédric
Bonjour Cédric, pour un retard en J, le bulletin de retard sera disponible en ligne en J+1 et sera retiré en J+3 ? Si cela est bien le cas, pourquoi une mise à disposition aussi courte ?
Vous avez raison de préciser Olivier_R, j’aurai dû écrire que l’édition des bulletins de retard n’est disponible que pendant 48h au lendemain du jour du retard.
Concernant ce délai court, je n’ai pas la réponse mais j’ai relayé votre demande. Je vous transmettrai la réponse que j’aurai reçue.
Bonne soirée.
Cédric
Bonjour Cédric, 2 explications viennent à l’esprit concernant cette mise à disposition aussi courte: 1/ manque de moyen concernant la base de données 2/ dissimulation par la SNCF d’un triste constat. L’une comme l’autre ne sont pas acceptables !
Ce sujet est vieux comme le monde. Le système des bulletins de retard est obsolète, hors service régulièrement, mais jamais modifié. Combien de fois j’ai remonté les erreurs, rien n’y fait, rien ne change.